#05 Transfert de tâches publiques à des organisations extérieures à l’administration fédérale
Des organisations extérieures à l’administration fédérale collaborent fréquemment à la mise en œuvre de la cyberadministration. Il n’est pas rare qu’elles aient été créées dans ce but, par voie de convention. Or à quoi faut-il faire attention et quelles sont les conditions à remplir? Qu’entend-on par l’administration auxiliaire? Et qu’est-ce qu’un partenariat public-privé? Un article de Timur Acemoglu.
Timur Acemoglu est avocat et conseille les collectivités publiques sur les questions de droit de la cyberadministration.
Conditions
La loi peut confier des tâches de l’administration à des organismes et à des personnes de droit public ou de droit privé qui sont extérieurs à l’administration fédérale (pour la Confédération, voir l’art. 178, al. 3, Cst.).
Le cas échéant, les conditions ci-après doivent être remplies en matière de droit public:
- Le transfert de tâches doit reposer sur une base légale suffisante et répondre à un intérêt public.
- L’État doit assurer la surveillance de l’exécution des tâches par les acteurs privés.
- Il doit être garanti que les acteurs privés respectent la Constitution dans l’exercice de leurs activités, notamment le principe de l’égalité devant la loi (art. 8 Cst.) et l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.). L’État doit garantir une protection juridique minimale.
Ces conditions s’appliquent dans tous les cas de transfert de tâches publiques à des acteurs privés, qu’il se fasse par externalisation, par sous-traitance ou dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). En principe, elles s’appliquent également lorsque le transfert de tâches n’est pas complet.
Bon à savoir
L’Administration fédérale des finances tient un site web qui comporte une multitude d’informations et d’instruments, dont le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d’entreprise de 2006.
Toute base légale spéciale est superflue dans le contexte de l’administration auxiliaire
L’acquisition, la coordination ou la gestion de moyens auxiliaires de l’administration requièrent la réalisation préalable de prestations (administration auxiliaire). Comme il ne s’agit pas ici de l’exécution immédiate d’une tâche administrative, le transfert d’une telle tâche d’une collectivité publique à un tiers ne nécessite en principe pas de base légale selon les règles générales en vigueur.
En revanche, une base légale est nécessaire pour l’externalisation (y compris pour l’administration auxiliaire), où les droits de personnes privées sont concernés et pourraient être violés. Dans le cadre de l’externalisation informatique, ce principe est généralement admis dans la doctrine (par ex. enregistrement externe de données des citoyens).
Au niveau fédéral, la création d’une personne morale – ou la prise de participation dans une telle entité – suppose une base légale formelle, qui confère l’autorisation expresse de participer à une personne morale de droit privé.
Cette base légale est en place avec la loi fédérale du 17 mars 2023 sur l’utilisation des moyens électroniques pour l’exécution des tâches des autorités (LMETA; objet n° 22.022), qui habilite la Confédération à prendre des participations dans des organisations ainsi qu’à déléguer par voie de contrat ou d’ordonnance des tâches relevant de l’activité administrative auxiliaire dans le domaine de la cyberadministration.
Partenariats public-privé (PPP)
Dans un partenariat public-privé (PPP), les collectivités publiques et des acteurs privés (sociétés de droit privé) collaborent pour l’exécution d’une tâche publique. Les partenaires regroupent leurs ressources et assument ensemble la responsabilité de l’exécution de la tâche concernée ainsi que les risques.
Les caractéristiques des PPP sont les suivantes:
- exécution d’une tâche publique;
- au moins un partenaire public et un partenaire privé;
- réalisation d’une prestation économique;
- responsabilité commune;
- regroupement des ressources;
- répartition des risques entre les partenaires;
- collaboration à long terme (en général sur tout le cycle de vie du projet) et axée sur les processus.
Ces caractéristiques sont plus ou moins marquées selon les cas; un PPP ne les présente pas forcément toutes.
On distingue en général deux catégories de PPP:
PPP d’acquisition
Dans les PPP d’acquisition, les partenaires publics sont les auteurs d’une commande, tandis que les partenaires privés sont des fournisseurs ou mandataires qui se chargent de la planification en rapport avec les infrastructures ou les services requis, de la mise en place, du financement et de l’exploitation. L’État coordonne le tout et exerce la haute surveillance, tandis que le partenaire privé est responsable de la planification et de l’exécution. La collaboration se fonde sur une concession ou sur un contrat.
Cette forme de PPP est particulièrement fréquente dans le domaine de l’administration numérique. En 2018, la Conférence suisse sur l’informatique a créé eOperations Suisse SA pour faciliter les acquisitions communes des collectivités publiques.
PPP de prestation
Dans un PPP de prestation, l’État décide de ne pas ou de ne plus accomplir une tâche publique seul, mais de faire intervenir des partenaires privés. Il n’y a plus alors l’auteur de la commande d’une part et le fournisseur d’autre part, comme c’est le cas dans les PPP d’acquisition. Les partenaires publics et privés recherchent une solution commune dans le cadre d’une organisation de projet ou d’une société fondée à cette fin.